Lundi 26 février, l’urne contenant les cendres de Jacky Carretey était enterrée dans le caveau familial du vieux cimetière d’Illats quelques semaines après celle contenant les cendres de son père, Marcel. L’association ICI perd en peu de temps deux de ses adhérents parmi les plus engagés.
Marcel, cheminot de profession et adhérent à la CGT, a été en 2001 l’un des fondateurs d’ICI. Pendant plusieurs décennies, il a été le seul illadais à assister aux réunions du conseil municipal. Il n’a jamais eu peur de porter la contradiction à l’ancien maire Philippe Dubourg, essuyant de sa part et de celle de ses partisans, le plus grand mépris. Mais Marcel restait debout.
En 1996, les premiers usagers reçoivent leurs premières factures –exorbitantes – d’assainissement collectif. Marcel est concerné. Il fait partie des premiers résistants qui font appel à l’association France Eau Assainissement : une première réunion publique à l’étage du Cercle, une occupation de la mairie d’Illats devant les caméras de FR 3 et un peloton de gendarmerie médusé, et une procédure perdue contre la Lyonnaise des eaux…
Qu’importe… Marcel poursuit le combat !
Le 26 décembre 1999, Illats est touché durement par la tempête. Pendant quinze jours, la commune connaît comme ses voisines de longues coupures d’électricité et d’eau. Mais à la différence des autres villages, la municipalité est aux abonnés absents. Elle n’intervient pas. Le maire et ses conseillers se cachent et s’occupent de leurs petites personnes. Pire, alors que l’électricité n’est pas revenue partout dans le village, un adjoint au maire fête le passage à l’an 2000 dans la salle des fêtes éclairée… Un an plus tard, il n’y aura pas de liste d’opposition municipale. Mais une idée fait son chemin : si on créait une association qui informerait les habitants de la commune avec un journal comme cela s’est fait pendant des années à Podensac ? Information des Citoyens Illadais était née en avril 2001 et Marcel appartenait aux enthousiastes fondateurs de l’association. Désormais, il n’était plus seul ! Marcel sera de tous les combats : contre le prix élevé de l’eau, pour le maintien de la poste à Illats, pour le contournement du bourg etc. Marcel sera « l’homme à la chaise » pour reprendre le titre d’un encart que le journaliste Pascal Vallade lui réservera dans le quotidien Sud-Ouest. Le maire d’Illats redevenu député en 2002 cumulait parmi tous ses mandats la présidence de la toute nouvelle communauté de communes. Les réunions avaient lieu dans une salle jouxtant sa mairie. Rien n’était prévu pour accueillir les citoyens qui pouvaient assister aux débats. Alors Marcel venait avec son siège pliant et s’essayait en fond de salle… La situation était ubuesque… Il ne baissait jamais les bras et débarquait aussitôt aux réunions du syndicat des eaux qui se tenaient à l’étage de la mairie d’Illats car la présidence de l’institution était également occupée par le maire d’Illats…
Marcel sera le doyen des deux listes que nous avons présentées en 2008 et en 2014. Il ne repartira pas aux municipales de 2020.
Marcel candidat en 2008 sur la gauche sur la photo
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Petit à petit, il se mettra de côté se considérant trop vieux, mais assistera fidèlement aux réunions d’ICI jusqu’à ce qu’il tombe malade. Les derniers jours de sa vie seront à l’image de ce qu’il a toujours été. Il se battra jusqu’au bout, jusqu’à son dernier souffle. On lui disait : « Décidément là haut, ils n’ont pas encore voulu de toi ! Ils ne veulent pas de bordel ! Ils ne veulent toujours débattre avec toi… »
Marcel savait mêler espièglerie et militantisme local… La route du Rude, le quartier où il habitait depuis 1977, était dans un triste état. Les nids de poule de plus en plus nombreux, rendaient la circulation difficile. C’est alors que l’on vit apparaître au début et à la fin de la rue, un panneau sur lequel était écrit : « Avenue de la rustine »… A partir de ce moment là les trous ont été bouchés par les employés municipaux…Personne n’avait signé cette blague mais tout le monde se doutait bien que Marcel n’était pas loin, aidé du savoir faire de son fils Jacky. Le « maire du Rude » comme le surnommaient ceux qui ne l’aimaient pas, avait confectionné une gerbe de fleurs rouges qu’il déposa discrètement un 8 mai sur le monument aux morts, pour saluer la victoire contre le nazisme, que la municipalité avait oublié de commémorer…
Marcel c’était un courageux que la vie n’avait pas épargné. Il assista sa femme victime d’un AVC jusqu’au bout. Il dut faire face à l’ingratitude de membres de sa famille qui étaient aussi ses voisins.
Marcel côté loisirs, partageait beaucoup avec son fils aîné Jacky : les chiffres et les lettres, les séries policières allemandes et surtout la pêche qu’ils pratiquaient au Bouzig Preignacais. En 2014, Marcel n’est pas venu à la présentation de la liste parce que c’était le jour de l’ouverture de la pêche ! Il n’aurait manqué pour rien au monde cet évènement. Marcel avait une mémoire d’éléphant. Il se souvenait de tous les moments de l’histoire nationale et locale.
Le décès de Jacky n’était pas prévisible avant qu’il n’attrape à Noël un terrible virus qui lui a bouffé les poumons puis s’en est pris à son cœur. Le discret Jacky était mécanicien aux ateliers de la SNCF. Il brillait par son habileté, son grand sans pratique, sa vitesse de calcul mental et des qualités artistiques indéniables. Quand il était jeune, il fabriquait avec son petit frère Bruno, des véhicules improbales comme le fameux double vélo avec lequel les deux frangins se promenaient dans le quartier. Jacky avait des convictions mais ne les exposaient que très rarement en public. Il avait remplacé son père dans bon nombre de ses activités : au sein d’ICI, en prenant part aux réunions et en acceptant de signer des articles dans le journal, mais aussi en assistant aux réunions du conseil municipal. Un été il y a deux ans, il proposa à l’association de confectionner un beau panneau en bois pour appeler à la signature de la pétition internet pour le contournement routier du bourg qu’il fixa sur un local situé au bord de la départementale qui lui appartenait. Le succès de l’idée fut fulgurant : des signatures affluèrent et le quotidien Sud-Ouest fit un article sur le sujet. On appréciait aussi chez Jacky ses conseils sâges et avisés. Tous ceux qui l’ont connu se souviennent de sa grande gentillesse et de sa volonté d’aider les autres. Dédé Boin dit l’Américain, n’aura plus de conversations interminables avec lui.
La création de Jacky
Les Carretey sont partis sur la pointe des pieds et c’est très triste. Leur engagement dans la vie communale nous manquera !
Adieu les amis ! Adieu les voisins ! Adieu les camarades !